Bernard Saguy est le directeur général de MUTAC, mutuelle nationale spécialisée en prévoyance obsèques. De la découverte du travail en distanciel à la détresse des adhérents, il revient pour nous sur les conséquences de la crise de la Covid-19 sur la vie quotidienne d’une mutuelle.
Dans la construction des classiques Plans de Continuation de l’Activité (PCA dans le jargon), nous avions imaginé un grand nombre de situations qui pourraient perturber notre activité : inondation, incendie des bâtiments, coupure totale informatique, etc. Mais dans nos scenarii les plus audacieux, jamais au grand jamais, nous n’avions envisagé l’impossibilité de nous rendre sur notre lieu de travail car nous serions contraints de rester chez nous !
Je passe sur la nécessaire adaptation informatique pour mettre 100% de l’effectif en télétravail. Par nature j’aime être auprès des équipes. Cela a été une réelle difficulté de mettre en place un management à distance, où mes seuls contacts avec les collaborateurs se sont déroulés par écran interposé. Or, dans cette période, il était primordial pour moi, de « prendre le pouls » des salariés, surtout de ceux qui vivent seuls, afin d’anticiper tout problème de décrochage.
Notre activité d’assureur obsèques nous a placé en première ligne. Il fallait maintenir la qualité de service et rassurer les adhérents en répondant à leurs nombreuses questions. A cette occasion, nous avons constaté le sentiment de solitude que certains d’entre eux ont éprouvé. Les entretiens téléphoniques qui durent habituellement une dizaine de minutes, ont parfois dépassés les 45 mn de conversation ! Il nous est arrivé d’être le seul contact de la journée. Des adhérents nous ont même appelé uniquement pour parler ! Cela m’a fait toucher du doigt la difficile situation à laquelle sont confrontés les EHPAD, où il faut concilier sécurité sanitaire et santé psychologique des résidents. Je comprends les réactions de certains d’entre eux qui ont déclaré que leurs résidents ne décèderont pas de la Covid-19 mais de détresse. Un autre élément m’a marqué : la distance que nous devons respecter entre les personnes depuis la fin du confinement. Je crains, mais j’espère me tromper, que cet abandon momentané du serrement de main ou de l’embrassade, perdure après la pandémie. Cette distance me parait préjudiciable au bien vivre ensemble, au maintien d’un lien social fort car des messages et des réconforts passent aussi par les gestes. J’ai eu la chance de ne pas être touché ni de près ni de loin par cette maladie et ses conséquences terribles. Je sors de cette période encore plus conforté dans ma conviction qu’il faut prendre le train quand il passe et vivre chaque instant. Alors carpe diem !