C’était le premier pilier du Ségur de la santé, « transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent ». Hausse des salaires dans les hôpitaux et les EHPAD, augmentation des recrutements d’infirmiers et d’aides-soignants ont été les premières mesures pour parer à l’urgence et soulager les personnels. Cela a représenté une hausse de 183€ net par mois pour plus d’1,5 million de personnels des hôpitaux et EHPAD depuis fin 2020 et une hausse significative des recrutements d’infirmiers et d’aides-soignants. Mais pour mener une véritable transformation des métiers de l’accompagnement en EHPAD, une augmentation du nombre de salariés ne suffit pas. Il convient aujourd’hui de repenser dans son ensemble la formation et la valorisation du personnel pour résoudre à la fois les problèmes d’attractivité et de qualité de soin mis en exergue par la pandémie.
Des difficultés de recrutement antérieures à la pandémie
Dès 2013, dans son enquête annuelle « Besoins en main d’œuvre », Pôle Emploi cible les métiers d’aides-soignants et d’aides à domicile comme faisant partie des 10 métiers présentant les plus grandes difficultés de recrutement. Cette année encore, Pôle Emploi prévoit que ces métiers seront les plus en tensions en terme d’embauche*. Cette statistique souligne la tension qui règne dans le secteur d’activité de l’autonomie, tant au niveau des EHPAD que de l’aide à domicile. Ces difficultés avaient d’ailleurs déjà été mises en avant dans le « Rapport El Khomri », plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand-âge soumis en octobre 2019 au ministre des solidarités et de la santé. 81% des EHPAD déclaraient avoir des vacances de postes, avec un turn-over atteignant 15% sur le personnel récemment recruté.
Le rapport prévoyait ainsi la nécessité de recruter 93 000 postes sur la période 2020-2024 tout en soulignant que l’attractivité de ces métiers était (et demeure) très dégradée. Les sources de ce manque d’attractivité sont largement connues. Tout d’abord, il faut souligner la faible rémunération de ces métiers, point sur lequel le Ségur de la santé a voulu mettre l’accent. Mais il faut aussi noter des conditions d’exercice souvent très difficiles qui favorisent les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cette sinistralité est trois fois supérieure à la moyenne nationale tous métiers confondus. De plus, les EHPAD souffrent d’une image négative, tant du fait de l’accroissement de l’âge moyen des résidents (l’entrée en EHPAD est de plus en plus tardive, et souvent contrainte par la perte d’autonomie) que de l’image d’une institution qui contraint et restreint la liberté de ses résidents (cf la suspension de l’interdiction générale et absolue de sortie des résidents d’EHPAD par le Conseil d’État en mars 2021).
Du recrutement à la formation
Des éléments de réponse à ces problématiques ont été avancés : revalorisation des salaires suite au Ségur de la santé, campagne de recrutement urgente et massive de personnes « hors du secteur qui s’ouvre à tous les demandeurs d’emploi »**. Ces actions sont bienvenues mais ne règlent que partiellement l’élément central du problème à savoir des conditions d’exercice difficiles associées à une perte d’attractivité de ces métiers. Alors, augmenter le nombre de professionnels est un élément de réponse qui va permettre d’alléger une partie de la tension qui pèse sur les soignants mais un recrutement massif de personnels peu formés ne permettra pas de réduire les accidents du travail, d’améliorer la qualité des soins et la capacité des agents à appréhender leur métier de manière sereine.
Or la formation peut être une solution pour répondre à ces problématiques. C’est d’ailleurs un élément essentiel des recommandations faites au pouvoirs publics (rapports Libault 2019, El Khomri 2019 mais aussi dans les axes de travail de la mission Laforcade 2021). En effet, il existe aujourd’hui une forte hétérogénéité des formations en lien avec l’accompagnement des personnes âgées en France : formation interne par des EHPAD constitués en organismes de formation, diplômes nationaux où l’option « accompagnement des personnes vieillissantes » est souvent choisie par défaut, absence de parcours de formation identifiés au-delà du niveau CAP (RNCP III). Il semble donc essentiel de structurer un véritable parcours de formation préparant aux métiers de l’accompagnement des personnes âgées. Cette restructuration doit se baser sur une analyse précise des besoins du terrain pour construire une offre de formation qui réponde au mieux aux attentes des professionnels mais aussi et surtout des personnes accompagnées. Ceci conduirait sans nul doute à un accompagnement de qualité dans de bonnes conditions de travail et à une baisse de la sinistralité de ce secteur. Et ainsi véritablement, « revaloriser ceux qui soignent ».
*parmi les métiers non saisonniers.
** Circulaire interministérielle du 9 octobre 2020 relative à la mise en place d’une campagne de recrutement d’urgence sur les métiers du grand âge.